Annexes PLAN

Les Janissaires – 1334 – 1826

 

Les Turcs, d’origine asiatique et nomade, étaient de bons cavaliers, mais de médiocres fantassins. Or, leurs conquêtes imposaient de nombreuses garnisons pour garder les points-clé de leurs nouveaux territoires.

C’est pourquoi Orhan, le deuxième sultan ottoman, réorganisa les milices d’infanterie existantes qui étaient peu disciplinées et créa en 1334 le corps des Janissaires (en turc Yeniçeri, littéralement nouvelle milice)

Recrutement: le Devchirmé  
   

C’étaient soit des prisonniers de guerre, soit des enfants chrétiens réquisitionnés dans les tribus des pays conquis à raison d’un fils sur cinq (de 10 à 15 ans).

Cette pratique était appelée Devchirmé du turc devsirme (« cueillette« ) et avait lieu au départ tous les 5 ans, puis tous les 3, 2 ou même chaque année. Les janissaires étaient donc issus de familles grecques, bulgares, serbes, russes, albanaises, ukrainiennes, roumaines, bosniaques, hongroises, arméniennes ou géorgiennes.

La création de ce corps janissaire répondait aux ambiguités concernant:
   
  • l’application de la charia qui interdisait l’esclavage d’enfants et d’hommes musulmans. Ainsi, les esclaves chrétiens, capturés très jeunes et islamisés, permettait de contourner ce problème dogmatique. Les janissaires étaient appelés – quoique convertis à l’Islam – les « esclaves de la porte ».
  • les réalités des conquêtes ottomanes. En effet, ce recrutement permettait à l’Empire de renforcer son armée tout en affaiblissant ses sujets chrétiens potentiellement insoumis. Ce faisant, les Ottomans prenaient de gros risques qui leur coûteront très cher par la suite. L’exemple parfait fut le cas de Gjergj Kastrioti qui, haut gradé de l’armée turque issu d’une famille albanaise, réussit à rassembler tous les janissaires albanais au sein de l’armée turque et tint tête aux Ottomans durant plus de 25 ans. Par la suite, les Albanais payèrent cher cette résistance lors de la reprise de Krujë (capitale de l’Albanie à l’époque). Les Ottomans forcèrent la plupart des Albanais à devenir musulmans.

Ces levées d’enfants chrétiens disparurent au début du XVIII°.
   
Esprit de corps: le Kazan

Pour comprendre ce culte, il faut remonter aux origines nomades des Turcs en Asie Centrale. Le repas principal (celui du soir) y était pris en commun autour de la noble marmite (kazan) posée sur le foyer (ocak) au centre de la yourthe. Cette pratique consolidait la cohésion du groupe.

Les Janissaires en reprirent le symbolisme:

  • une marmite en bronze était l’emblème de chaque unité. Toucher la marmite sacrée donnait le droit d’asile à un musulman poursuivi et l’éxécution pour un non-musulman. Renverser la marmite était le signal de révolte des Janissaires. Ainsi, à partir du XVIe siècle, l’histoire des Janissaires est une suite de révoltes, assassinats et renversements de vizirs, aghas, et même de sultans : Bayezid II (1512), Mourad III (1595), Osman II (1622), Ibrahim I (1648), Mustafa II (1774), Selim III (1807) et Mustafa IV (1808).

  • le  foyer (ocak) désignait le corps des Janissaires..

  • une cuillère de bois était passée à travers le bonnet de feutre des officiers.

  • les grades militaires portaient des noms tirés de la cuisine : cuisinier en chef  ou  grand distributeur de la soupe, le sultan lui-même étant le père nourricier.

   
Puissance politique: Vizir et Diwan

  • Le haut commandement militaire de l’Empire Ottoman était essentiellement janissaire.
  • Le conseil du sultan ou Diwan était principalement composé de Janissaires.
  • Le Grand Vizir, premier ministre de l’Empire, était un Janissaire. C’est ainsi que, sur 49 grands vizirs qui se succédèrent entre 1453 et 1623, tous (sauf cinq Turcs) étaient Janissaires.
  • Leur pouvoir au sein de la cour du sultan devint si important qu’aucune réforme ne remit jamais en cause leurs privilèges.
  • Ils acquirent rapidement un rôle de garde prétorienne fortement impliquée dans les crises de succession.

Confrérie religieuse: Bektashi
   

Selon la tradition, un certain Hadji Bektash arrive en Anatolie au XIII° où il enseigne un rituel initiatique. Au XV°, ses disciples réorganisèrent la confrérie en un  ordre religieux. Or, tout jeune Janissaire était initié aux rites de cet ordre des Bektashi d’apparence musulmane, mais tenu comme une hérésie par les turcs sunnites.

Certains points rattachent étroitement les Janissaires à la confrérie des Bektashi :

  • Le rituel bektashi d’initiation chevaleresque issu du milieu militaire des archers de Bagdad
  • Le jour de son enrôlement, chaque Janissaire faisait voeu d’obéissance à l’ordre bektashi
  • Les brevets des Janissaires faisaient explicitement référence au patronage de Hadji Bektash et leur foi fondamentale leur prescrivait de suivre sa Voie ;
  • Les  pères (baba) bektashi faisaient fonction d’aumôniers des Janissaires et suivaient les troupes en campagne

    Extrait d’un brevet de Janissaire

      Nous sommes des croyants……. Notre prophète est Mahomet…. . Notre patron est le saint Hadji Bektash. ……d’après la bonne loi du Ghazi Suleiman le Législateur (le Magnifique) ….., le nommé […] a exprimé le désir et a sollicité d’être notre compagnon. ….. Que ce brevet soit exhibé en cas de nécessité .

Ces rites sont reconnus pour leur conception assez hétérodoxe de la foi musulmane à laquelle ils ont incorporé des éléments issus de la religion turque pré-islamiste ainsi que des emprunts faits au chiisme et au christianisme .