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Kandjar indien XVIII° avec poignée en jade impérial de style Moghul et lame en Wootz (dont le motif sert de fond de page).

Les dessins dits « de Damas » visibles sur la surface des armes étaient obtenus par deux techniques totalement différentes:

  • celle de l’Alliage à motifs ou Pattern-welded Steel ou Laminated Steel ou Mechanical Damascus obtenu par la forge avec battages répétés de bandes d’acier à teneurs différentes de carbone. Ce procédé a été mis en oeuvre en Europe du Nord, sans doute à partir de 500 AJC., exclusivement pour la fabrication des épées et poignards, …
  • celle de l’acier Wootz ou Watered Steel ou True Damascus Steel ou Crucible Wootz Steel (Wootz en creuset) ou Crystalline Steel ou Al-Hindi (acier hindou) par les Arabes, …mis en oeuvre en Asie centrale et du Sud pour la fabrication des épées, mais aussi des cuirasses et des boucliers. Il est connu dès 500 AJC. et, sans doute, avant par les armées d’Alexandre (vers 323 AJC.). Le terme de Damas est dit provenir du lieu où les Croisés le virent pour la première fois, mais il semblerait que son origine soit plus ancienne et arabe (Damas = eau).

Les centres de production:

  • Wootz d’Inde (Inde centrale et du Sud, Sri-Lanka): Le terme Wootz (fer), déformation du mot indien Ukko ou Hookoo, apparaît pour la première fois en 1795 dans le Pearson’Lecture to the Royal Academy on Indian Steel (Hadfield, 1931). Les lingots étaient produits en Inde du Sud et Inde centrale, région d’Hyberabad (d’où était extrait le minerai) et au Sri-Lanka.
  • Pulad d’Asie Centrale (Oasis de Merv): Le terme Pulad (acier) apparaît dans l’Avesta, Livre sacré de Zoroastre (Allan & Gilmour, 2000) et dans un texte Manichéen du Turkestan chinois (Henning, 1947). Les variations de ce terme sont Polad persan, Bolat mongol et Tchéchène, Bulat russe et ukrainien, P’otovat’ arménien, Fulad turc et arabe, Farlad en Urdu indien et Phaulad en Indi. Les lingots étaient produits dans la région de l’Oasis de Merv (actuelle Margiana – Tukmenistan). On ne connait pas la provenance du minerai traité à Merv (ancien royaume des Parthes – ancienne étape de la Route de la Soie) qui devait être amené par des caravanes.

La production des lingots:

Le minerai utilisé avait une composition spécifique avec des impuretés en doses infinitésimales: du vanadium, du phospore, du mobdylène, du carbone, du chrome, du manganèse,…Avec des moyens utilisés et un résultat à peu-près identiques, les composants et la technique variaient entre Wootz et Pulad.

  • Les creusets étaient en céramique d’environ 8 cm de diamètre sur 18 à 20 cm de hauteur. Leur forme était conique ou en aubergine (Inde du Sud) ou en forme de poire (Sri-Lanka) avec une base ronde. Ils étaient scellès hermétiquement après avoir été remplis de fer presque pur avec ajout probable de manganèse à Merv, d’un seul type de fer en Inde centrale et de 2 types différents à Hyberabad. Partout, des feuilles et du bois étaient ajoutés pour apporter le carbone. Les creusets étaient disposés à même le sol du fourneau, sans se toucher.
  • Les fourneaux étaient au niveau du sol, de forme ronde et d’une hauteur comprise entre 40 cm. et 1 m.. Ils contenaient de 7 à 20 creusets au maximum.
  • Le processus:

– La première étape consistait à éliminer l’oxygène du fer (oxyde) par sa réduction en fer métallique. Le minerai de fer et le charbon étaient chargés dans le fourneau. On obtenait par chauffe inférieure au point de fusion (1200°) un fer spongieux à très faible teneur en carbone.

– Dans une seconde étape, les creusets remplis étaient placés dans le fourneau et recouverts de charbon de bambou. Puis, on scellait un dôme avec un tuyau de cheminée centrale. Un soufflet permettait d’accélérer la combustion jusqu’à 1200° environ, et ce, pendant au moins 24 heures.

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A ce stade, les cristaux du fer adoptent une configuration cristalline cubique avec un atome de fer sur chacune de ses faces (N cubes répétés en réseau). Le carbone diffusant dans cette structure, les atomes s’installaient dans les interstices laissés entre les cubes. On obtenait ainsi un alliage (Austénite). Au bruit du clapotis, les forgerons provoquaient le refroidissement qui était très lent. Sous les 1000°, une partie du carbone précipitait pour former la cémentite ou carbure de fer (FE3C) autour de l’austénite. La structure interne de ce métal s’organise lors de son refroissement en une série de rangées de petites particules de FE3C (Cémentite) d’environ 6 mm. de diamètre agglutinées autour d’une bande centrale. Les bandes ont un espacement caractéristique d’environ 30 à 70 mm. entre elles. Image de salon-couteau.com couteau, épée, lames en tout genre 4337795,
Le lingot d’acier (avec de 1 à 2% de carbone) est donc un aggrégat de plusieurs cristaux indispensables à la formation des motifs particuliers du Wootz:

  • Ferrite (fer pur) de couleur presque noire.
  • Pearlyte (dont le carbone donnera la Martensite après chauffe) de couleur sombre.
  • Cémentite (formée au point de saturation du carbone) de couleur claire.

Ci-contre, un lingot de Wootz d’Inde du Sud – Diamètre: 12,7 cm. – Epaisseur: 3,2 cm. – Poids: 2,15 kg.

Courtesy of Artzi & Arner Yarom – Oriental-Arms.

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Le travail de Damas:

C’est le réseau de cémentite qui constitue le damas visible sur la lame. La cémentite est extrèmement dure, mais aussi très cassante à température ambiante. Poutant, les lames en Wootz ou en Pulad avaient la réputation bien établie de solidité et de dureté du tranchant. Le Wootz n’acquérait cette résitance qu’après avoir été forgé, quand le maillage de cémentite avait été détruit par un martelage prolongé.

Le travail au feu se faisait à assez basse température: entre le rouge sang (650°) et le rouge cerise (850°). Dans cette plage, le forgeron cassait la chaîne continue de cémentite en petites sphéroïdes qui donnaient la résistance à la lame. Le martelage entrainait une réduction de l’épaisseur d’origine selon un facteur de 3 à 8.

Les lames étaient ensuite durcies par traitement thermique (> 727°) avec une trempe à l’air forcé. Suivaient les meulages et limages par le fer et la finition par la pierre. Puis un dégraissage de la lame par un mélange de cendres ou de craie et d’eau (Wilkinson 1837) ou de cendres, acide citrique et eau (Sachse 1994).

Enfin, le passivage (etching) permettait de dégager les dessins à l’acide nitrique ou sulfurique dilué (Wilkinson 1837) ou aux solutions salines à base d’un minéral hindou (Zag).

Les dessins:

Afin de densifier les motifs, le forgeron utilisait différentes techniques . Il faisait affleurer les bandes de FE3C de la structure interne selon une angulation avec la surface de la lame. La combinaison d’angles différents entrainaient ainsi une grande variété de résultats. De même, il créait des motifs particuliers en entaillant de profonds sillons ou en pinçant la surface de la lame, puis en la martelant à plat.

Le résultat courant donnait des motifs en Ants tracks (traces de fourmis), plus rarement le célèbre Mohamad Ladder (Echelle de Mahomet) ou en Rose.

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Dès le IX°, on a essayé de classifier les dessins du Wootz (Al-Kindi). Des classifications plus récentes ont été faites à partir du milieu du XIX° (Anosov) reprises par Sachse (1994).

Charge en carbone

Couleur

Dessin

Nom

Hypo < 0,8% C (pearlite en bandes favorisés par le Manganèse) gris clair Stripy Damas (Damas en bandes) Sham (Syrie)
    Water Damas (Damas moiré) Damascene
       
Hyper > 0,8% C (alignements de cémentite favorisés par le Vanadium et le Mobdylène) contrasté gris-noir Wavy Damas (Damas ondulé) Damascene
    Chequered (quadrillé), mottled (moucheté), network ou woodgrain Damas Kara Khorasan, Kara Taban, Persian
    Mohammad or Jacob or Prophet Ladder or 40 steps Kirk Narduban, Kirk Ner Deban, Rose

La galerie:

Quelques exemples de Wootz classés par origine de l’arme.

ARABE INDIEN OTTOMAN PERSE SYRIEN

Le renouveau du Wootz:

Vers 1750, le Wootz disparaît, sans doute par épuisement des filons, entrainant la perte des connaissances métallurgiques.

De nombreuses expériences sont tentées pour percer les secrets de sa fabrication dès la fin du XVIII° (Bréant en 1820, Anossof, …) et pendant le XIX° par les Russes, les Occidentaux et les Américains. Malheureusement, la disparition des forgerons entraina un vide technique aggravé par le manque d’écrits précis.

L’archéotechnologie, aidée par des méthodes modernes comme la spectographie, les rayons X, la chimie, …, souvent financée par de puissantes associations (US. Steel, Cheevy, …) avec leurs laboratoires et ceux des grands musées (British Museum, …) a permis de comprendre et de relancer les techniques.

Aujourd’hui, de nombreux forgerons professionnels ou amateurs exercent avec bonheur leurs talents dans cette technique exigente et gratifiante.

BIBLIOGRAPHIE
  • Dr. Anna Feuerbach –
  • Verhoeven JD., Pendray AH., Dauksch WE. – « The key role of impurities in ancient Damascus steel blades » in JOM 50 (9), pp. 58 – 64.
  • Smith CS. – « Damascus steel » Science 216 (1983).
  • Zschokke B. – « Du damassé et des lames de Damas » – Revue de la Métallurgie 21 (1924), pp. 635 – 669.
  • Sherby O., Wadsworth J. – « Les aciers de Damas » – Extrait de la Revue Pour la Science – 1985.
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